Quand un tableau caché et dégradé devient un des fleurons du patrimoine artistique des Hauts-de-Seine… C’est cette aventure, conduite par le conservateur départemental des antiquités et objets d’art, que le public peut désormais découvrir à Nanterre. Comme toute belle aventure, cela commence par la découverte d’un trésor : à l’aube du XXIe siècle, dans un recoin du presbytère de Nanterre, un panneau peint de 73 sur 59 cm. Enfin, trésor, c’est facile à dire aujourd’hui… Parce qu’en l’état, cette Adoration des Mages n’aurait pas dépareillé un vide-grenier de campagne, seulement repérable par le fin connaisseur qui saurait lire derrière les apparences. Et c’est un peu ce rôle-là qui est tenu par le conservateur des antiquités et objets d’art (AOA) : chercher, voir, reconnaître, comprendre pour mieux sauver. Et s’entourer des meilleurs spécialistes – il y a là quelque chose qui n’est pas si éloigné de la médecine d’urgence. Le panneau semblait à bout de souffle, épuisé par la marche du temps et l’absence de soins. La peinture partout se soulevait, de nombreuses écailles tombées lui faisaient comme une triste mue, d’abondants vernissages tardifs finissaient d’empâter l’œuvre. D’autant que l’œuvre n’en était pas à son premier sauvetage : joints grossièrement mastiqués, touches de peintures débordant sur l’original, teintes marronnasses comblant les vides… Sauf le respect qu’on doit aux générations qui s’étaient succédé dessus, l’Adoration des Mages ressemblait à ces vieux volets de bois lasurés à la va-vite… Autant dire que la chose semblait mal engagée. Mais une chasse au trésor a besoin de coups de chance… Ici, c’est une simple marque au revers du panneau de chêne : les armes de la ville d’Anvers, dûment répertoriées comme datant de la décennie 1626-1636. Combinée avec les recherches et le travail d’analyse de ce qu’on pouvait encore deviner du tableau, la datation conduit à l’attribution de l’œuvre à l’école du peintre flamand Frans Francken II (1581-1642). Photos © Didier Raux – Source Didier Lamare (magazine 92Expres)
Sous la loupe… “Pas plus de deux ou trois heures de suite, précise la restauratrice Martine Martin. Au-delà, les yeux fatiguent, le ou vous fait perdre vos repères. C’est là qu’il faut savoir s’arrêter et revenir, patiemment, le lendemain…”
On choisit la plus complexe des solutions : la technique “Trattegio alla Giotto” Inventé par les Italiens lors de la restauration des fresques de Giotto à Florence, le trattegio est un dé à la mesure de l’aventure. “Ce sont des hachures de couleurs primaires posées sur les lacunes. Les couleurs se mélangent optiquement, le rendu de la peinture est différent de celui de l’original tout en se fondant dans l’ensemble à distance moyenne.” De quoi résoudre les contradictions de la restauration. Un travail qu’on effectue avec des peintures légères et solubles pour, dans le futur, éventuellement retourner à l’état originel
Les restaurateurs Juliette Mertens pour le panneau et Martine Martin pour la peinture